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KARIM DRIDI

Temps de lecture : 7 minutes

Interview de KARIM DRIDI

par Serge TREFEU (2016)

Serge TREFEU : Bonjour Karim et merci de m’accorder cet entretien, depuis combien de temps tu t’intéresses aux sports de combat ?

J’ai d’abord pratiqué le judo, j’ai fais de la compétition en cadet, j’ai été champion de Paris en cadet. J’étais tout seul, sans team, sans rien du tout, je suis ensuite arrivé troisième aux championnats d’île de France en minime. Ensuite, j’ai connu le karaté, un sport que j’ai adoré. J’aimais bien les sports de contact alors j’ai essayé aussi la boxe française et là j’ai rencontré le grand champion Richard Sylla (Champion du Monde de boxe française, Kick Boxing et Full Contact), je filmais tous ses combats. Je me souviens de son combat mémorable contre le hollandais Lucien Carbin, c’était les débuts du Kick boxing et de la boxe thaï en France. J’ai découvert ensuite la boxe thaï en voyant les combats de « l’ange blond » Guillaume Kerner, puis il y a eu mon pote Sam Berrandou, Kouider, tous ces guerriers de la boxe thaï m’ont fait aimer la boxe  thaï

Tu as pratiqué la boxe thaï ?

J’étais déjà un peu trop « vieux » pour pratiquer assidûment la boxe thaï. Mais je me suis entraîné au club Lumpinee de Sam Berrandou à Saint Denis dans le quartier des Francs-Moisins, je filmais tout les combats que je pouvais filmer, notamment ceux de Sora le champion d’Europe du club Lumpinee, et d’autres. En fait, je les ai tous vu naître tous ces grands boxeurs, Nikiéma, Dida, Kerner, Joël Cesar, mon pote Jo Prestia. J’adorais aussi la boxe anglaise, mon pote le champion de boxe anglaise Stéphane Ferrara m’avait présenté les frères Tiozzo qui étaient des grands champions à l’époque

L’ENTRAÎNEUR SAM BERRANDOU AVEC SON POULAIN YARA SORA, CHAMPION D’EUROPE DE BOXE THAI EN 1992

Tu connaissais bien le milieu de la boxe thaï car tu as réalisé un beau film « Fureur » où beaucoup de champions ont participé à ce tournage, tu peux nous parler de ce film sortie en 2003 ?

Oui j’ai fais bosser plusieurs grands champions dans Fureur, le grand Samart Payakaroon, Kitty Sor Thanikul, Krongsak, il y avait aussi Chalunlap qui faisait ses débuts en France, Stéphane Nikiéma, Jo Prestia, Stéphane Ferrara, on a passé des bons moments ensemble.

Pour mon film, on avait créé un petit club d’entraînement que l’on avait appelé le « Ciné Boxe », c’était une salle privée pour le film, il y avait Prestia, Nikiema, Samart qui venaient dans cette salle, il y a eu même Jérôme Le Banner qui est venu, il n’a pas joué dans le film mais il était là. Je me souviens avec Jérôme nous avions fais un peu de judo, il m’avait écrasé, c’est un souvenir incroyable (Rire)

SCÈNE DU FILM FUREUR AVEC SAMUEL LE BIHAN, LE FILM A ÉTÉ TOURNÉ DANS LE 13EME ARRONDISSEMENT (QUARTIER ASIATIQUE) DE PARIS

LE JEUNE ACTEUR YANN TRÉGOUȄT A EFFECTUÉ UNE SCÈNE DE COMBAT MÉMORABLE FACE A LA STAR DES RINGS SAMART PAYAKAROON

SAMUEL LE BIHAN PORTE SON PETIT FRÈRE DANS LE FILM APRÈS SA VICTOIRE SUR UN BOXEUR THAÏLANDAIS JOUÉ PAR LE GRAND CHAMPION KITTY SOR THANIKUL

UNE PARTIE DE L’EQUIPE DU FILM FUREUR AVEC KARIM DRIDI, SAM BERRANDOU, SAMART PAYAKAROON, WEERA CHALUNLAPE, JO PRESTIA, STEPHANE NIKIEMA

Les acteurs du film Samuel Le Bihan et Yann Trégouët se sont entraînés en boxe thaï ?

Samuel s’est entraîné surtout en boxe anglaise car il jouait un boxeur de boxe anglaise dans le film. Et son petit frère était joué par Yann Trégouët qui lui jouait un combattant de boxe thaï. Yann est partis en Thaïlande à Pattaya dans le camp de Samart. Il ne connaissait pas la boxe thaï, il avait juste fait un peu de boxe anglaise. Et pendant deux mois il a eu comme coach Samart, Jo Prestia et Dida Diafat. D’ailleurs, avec Dida, je suis partie en Thaïlande avec lui parce que c’est moi qui devait réaliser son film « Chookdee », c’est moi qui ai donné l’idée du titre Chookdee pour son film, hé Dida « tu me dois des droits d’auteurs » (Rire). Au départ, le film ne s’appelait pas Chookdee et j’ai dis à Dida, il faudrait l’appeler Chookdee, il a gardé le titre. Mais finalement, j’ai décliné l’offre parce que je venais de faire le film Fureur qui était déjà sur la boxe thaï, je n’avais pas envie de faire tout de suite encore un deuxième film sur la boxe thaï. Avec Dida nous sommes allés à Phuket, à Koh Samui, à Pattaya pour les repérages de son film et c’est Dida qui m’a présenté Samart Payakaroon. C’est grâce à Dida que j’ai connu Samart. Je cherchais un acteur asiatique charismatique pour jouer dans mon film et Dida m’a dit « il faut absolument que tu vois Samart », quand j’ai rencontré Samart ça été le flash, c’était lui qu’il me fallait pour mon film !

Est ce que tu suis encore les champions qui pratiquent ce sport, tu vas dans des galas de boxe ?

Oui la boxe thaï est toujours liée à ma vie, je continue à aller voir des combats, d’ailleurs quand tu m’invite dans les galas j’y vais, j’adore. Je suis beaucoup moins maintenant parce qu’avec tout le boulot au cinéma je n’ai pas le temps, c’est un peu compliqué pour suivre les événements de boxe. Mais j’aimais bien des champions comme Wilfrid Montagne qui était chez Sam Berrandou au club Lumpinee, Djimé Coulibaly aussi.

DANIEL ALLOUCHE, KARIM DRIDI, JO PRESTIA AU GALA BEST OF SIAM

Tu as des souvenirs d’un grand gala de boxe thaï ?

J’en ai vu plein mais par exemple j’ai vu en live, à Bangkok, le combat de Skarbowsky au stadium du Ratchadamnoen, c’était super, il avait gagné son combat par KO. Il y avait son entraîneur avec lui André Zeitoun, je lui dois un resto en plus à André (Rire).

Tu as fais plusieurs films sur la boxe ?

Avant Fureur, j’avais fais deux courts métrages, le premier c’était « Le boxeur endormie » avec Yara Sora qui a été champion d’Europe de boxe thaï, c’était un film en noir et blanc où on voit pleins d’images d’extrait de combats de Sora. Et le deuxième film c’était « Zoé la boxeuse », un film sur la boxe féminine en boxe anglaise, une histoire sur la vie d’une boxeuse bien avant « Million dollars baby » (Rire).

Est ce que tu aimerais faire de nouveau un film sur la boxe ?

Je ne sais pas, il y a eu tellement de truc de fait déjà. Il y a peut être des trucs à faire, les américains avaient fait quelque chose de sympa avec le MMA avec le film « Warrior » qui était vachement bien. Je suis un peu le MMA et les bons fighters en MMA ils font tous de la boxe thaï maintenant, les champions comme Anderson Silva, Georges St-Pierre, Conor McGregor, ils sont tous bons en boxe anglaise et en boxe thaï. Maintenant en MMA si tu n’as pas les bases de la boxe thaï tu pars avec un handicap. J’aime bien le MMA parce que j’adore le judo, la lutte et la boxe thaï et le MMA c’est un peu un mix de tous ces sports. Mais je préfère quand même voir un beau combat de Muay que du MMA…

Tu fais souvent des « films Social » qui sont tournés dans les milieux populaires, dans les quartiers, c’est un peu lié à la boxe ce genre d’atmosphère que l’on retrouve dans tes films ?

Oui c’est complètement lié à la boxe, et c’est d’ailleurs là où on se retrouve. Là, je sors un film qui s’appelle « Chouf » et qui se passe dans les quartiers nord de Marseille. C’est un film de bandits qui parle de guerre des réseaux de trafiquants, de jeunes qui s’entretuent dans les quartiers. C’est un polar, un thriller, c’est du cinéma mais c’est complètement ancré dans les quartiers. Et c’est vrai que le lien avec la boxe il est très près. Tu n’as qu’à voir le film « Pattaya », il parle de boxe thaï aussi. Mais au début les jeunes ils sont partis en Thaïlande pour la boxe thaï, dans les années 80, les mecs des quartiers ils allaient en Thaïlande pour boxer, ils n’allaient pas à Pattaya pour les bars à bordel comme maintenant, c’est la boxe thaï qui a fait connaître la Thaïlande avant que Pattaya ne devienne un « gros bordel »…

Dans ton dernier film « Chouf » est ce qu’il y a des scènes de combats ?

Ben non, parce que là tu vois , il y a un mec qui s’appelait Amin Dada, un grand dictateur, qui disait « rien ne court plus vite qu’une balle de fusil », donc tu imagines une balle de « Kalache » contre des poings. Avant, dans les quartiers cela se réglait avec les poings, les mecs ils se la donnaient et puis le lendemain c’était fini. Mais malheureusement aujourd’hui les conflits se règlent à la Kalache, les jeunes se tuent pour un rien…

Cela n’a pas été trop difficile de pouvoir tourner dans les cités de Marseille ?

Non, en faite, c’est assez simple, c’est soit tu tournes soit tu ne tournes pas. Si tu tournes c’est que tu as pris le temps, moi je vis à Marseille, je connais les mecs sur place, j’avais déjà fais un film avant à Marseille qui s’appelle « Khamsa », c’est l’histoire d’un petit gitan moitié arabe, moitié gitan, qui habitait dans les camps de gitan près des quartiers de Marseille. Tous les jeunes à Marseille, et dans tous les quartiers en France, les jeunes connaissent ce film. Donc, ils savaient que je ne venais pas faire un film contre eux ou pour les juger. Ils avaient tous envie de jouer dans Chouf. Après, quand tu es dans un quartier, moi même j’ai vécu dans un quartier dans le 91 à Sainte-Geneviève-des-Bois, je connais un peu les règles, il y a des trucs que tu ne fais pas, il y a certaines personnes qu’ils ne faut pas aller emmerder. Donc, je faisais gaffe où je mettais les pieds, et une fois que tu respectes certaines règles, et que tu es quand même hyper proche de la population, tous se passe très bien. J’étais très proche des femmes dans les quartiers, les mères dans les quartiers c’est tout pour moi, les mères qui ont perdus leur enfant suite à ces guerres terribles de quartiers, il fallait vraiment que je sois proche d’elles. Donc, en allant vers les jeunes, en les faisant travailler dans des ateliers pour les aider à mieux jouer dans le film, cela c’est super bien passé. Nous avons passé sept semaines sur place dans les quartiers nord de Marseille, sans aucun problème. Aucun film français n’a fait ça, c’est comme si tu tournais en plein cœur de la cité des 4000 à La Courneuve ou à la cité des Francs-Moisins à Saint-Denis pendant sept semaines, c’est chaud , et bien nous on l’a fait et nous n’avons eu aucun soucis, c’était nickel !

Les gens des quartiers à Marseille où vous avez tourné le film, ils sont donc fiers de ton film ?

Je t’invite à aller à Marseille et tu verras que les gens de ce quartier sont très fiers de ce film, c’est leur fierté parce que maintenant c’est leur « Film ». Le film se passe essentiellement dans le quartier de La Busserine qui est un quartier très connu à Marseille, et les gens de La Busserine sont très fiers parce que tout le monde parle de leur quartier grâce à ce film. Nous avons été au festival de Cannes avec ce film, les jeunes des quartiers nord de Marseille ont monté les marches de Cannes, c’était super. La presse a parlé du film, les gens commencent à en parler un peu partout, j’espère que les jeunes vont aller le voir , et je pense que les jeunes de quartier ont envie de se voir au cinéma mais par quelqu’un qui connaît un peu « la street », qui connaît leurs codes et qui aime les mêmes choses qu’eux. Parce qu’il y a souvent des gens qui ne connaissent rien aux cités et qui parlent de cités. Il y a des films où tu sens bien que les mecs ne connaissent rien aux quartiers. Ils tournent souvent un peu plus du côté des flics par exemple, là, nous sommes un peu plus du côté des jeunes même si ce sont des bandits, attention cela ne veut pas dire que l’on cautionne les bandits mais nous montrons une certaine réalité. Et le thème du film c’est une immersion dans un réseau de trafiquants avec les guerres entre jeunes qui s’entretuent. Si je n’avais pas eu déjà toutes ces années en banlieue parisienne, puis toutes ces années dans les quartiers à Marseille, jamais je n’aurais pu faire ce film, c’était impossible

LA BUSSSERINE EST UNE GRANDE CITÉ DES QUARTIERS NORD DE MARSEILLE

SCÈNES DU FILM CHOUF DANS LE QUARTIER DE LA BUSSERINE A MARSEILLE

KARIM DRIDI SUR LE PLATEAU DU FILM CHOUF AVEC L’ACTEUR PRINCIPAL SOFIAN KHAMMES

L’EQUIPE DU FILM CHOUF AU FESTIVAL DE CANNES 2016, LE FILM A ÉTÉ PRÉSENTÉ EN SÉANCE SPÉCIALE

AVANT-PREMIÈRE DE CHOUF

Tu veux ajouter quelque chose ?

Oui je veux ajouter que le film Chouf sort le 5 octobre 2016, qu’il y a une page Facebook Chouf, on n’utilise vachement les réseaux sociaux parce que les jeunes ils sont à fond dessus, on a un compte Instagram aussi, le compte c’est www.instagram.com/chouf_lefilm. Il y a pleins de vidéos qui racontent l’expérience du film, il y a la bande annonce qui déchire, je pense que cela va donner envie aux jeunes qui font du Muay Thai d’aller voir Chouf !

Je te remercie Karim pour cette interview et je te souhaite CHOOKDEE pour ton film !

Chookdee, chookdee pour Chouf oui, Merci Serge !

SERGE TRÉFEU AVEC KARIM DRIDI

Karim Dridi est un grand fan de boxe thaï depuis de nombreuses années. Car il a côtoyé des grands champions qui lui ont fait aimer ce sport, aujourd’hui encore il n’hésite pas à aller assister à des galas de boxe thaï malgré un emploi du temps chargé. Son film « Fureur » fait désormais partie des films cultes sur le milieu de la boxe thaï. Karim Dridi est un réalisateur toujours très proche des gens de milieux populaires avec des décors réels où la chaleur humaine est beaucoup présente. Son dernier film Chouf (Chouf veut dire « regarde » en arabe, c’est le nom des guetteurs des réseaux de drogue à Marseille) est un véritable film coup de poing que l’on prend en pleine figure, un polar puissant qui montre la cruelle réalité des gangs dans les quartiers sensibles de France…

Filmographie de Karim DRIDI :

Réalisateur :

Dans le sac (Court-métrage) (1987 )

Zoé la boxeuse (Court-métrage) (1992)

Pigalle (1992)

Le Boxeur endormi (Court-métrage) (1993)

Bye-bye (1995)

Citizen Ken Loach (1996)

Hors jeu (1998)

Cuba Feliz (1999 )

Fureur (2001)

Gris blanc (2005 )

Khamsa (2008)

Le dernier vol (2009)

Chouf (2016)