SIAM FIGHT MAG

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André ZEITOUN

Temps de lecture : 6 minutes

Interview d’André ZEITOUN par Serge TREFEU (2009)

 

Serge TREFEU : Bonjour André, avant de parler de ta carrière en tant qu’entraîneur reconnu depuis longtemps dans le monde des pieds et poings, parlons un peu de ton passé de combattant. Tu es issu d’une famille de boxeur, raconte nous comment tu as découvert la boxe et qui t’a transmis la passion de ce sport ?
ANDRE ZEITOUN : Depuis ma plus tendre enfance j’ai reçu une « éducation boxe » à la maison par mon père qui fut un bon boxeur et par mon grand frère qui fut également un boxeur assez talentueux, tout naturellement je me suis orienté vers cette passion sans me poser de questions. Il y a un facteur assez important qui a déterminé la suite dans ma vie, se sont mes amis très proches de ma citée des 4 000 logements à la Courneuve, qui pratiquaient plusieurs styles de combats à la fois, la boxe anglaise, la boxe thaïlandaise et le karaté, et forcement comme nous étions tout le temps ensemble et bien cela n’a fait que renforcer cette passion qui est toujours intacte aujourd’hui.
Tu as commencé vers quel âge la boxe et dans quel club ?
J’ai commencé la boxe thaïlandaise en 1980 au Yamatsuki-Club à Paris de Roger Paschy, véritable précurseur du Muay en France.
As-tu fais beaucoup de combats, est ce que tu as pris des titres ?
Non je n’ai pas fais beaucoup de combat, 19 au total, j’ai été champion de France junior à deux reprises

Le Muay Thai n’était pas encore bien développé à ton époque, qui était les champions du moment ?
Les grandes vedettes de l’époque étaient, Philippe Cantamessi, Christian Bahfir, Kouider, Gilles Tirolien, Jami, les frères Desjardin entres autres. Dans le reste de l’Europe il y avait surtout les hollandais qui dominaient le Muay de l’époque et quelques anglais. Mais les plus techniques ont toujours été les français. Mais j’ai été un très grand fan du batave Lucien Carbin.
Est ce que tu as eu l’occasion de combattre un champion connu dans ta catégorie ?
Les combats les plus durs que j’ai faits étaient ceux face à Berrandou (le frère de Sam, que j’ai rencontré deux fois).

Est ce qu’il y a des boxeurs qui ont influencé ta boxe, dont tu t’ais inspiré que tu aimais voir boxer ?
Lorsque tu es jeune tu es forcement influencé par des combattants qui t’ont fait vibrer. Il y eu Lucien Carbin, la légende japonaise Toshio Fujiwara et surtout le thaï Samat Payakaroon, un dieu du Muay.

Tu as été l’un des premiers combattants au début des années 80 à partir en Thaïlande, peux tu nous raconter ta première expérience au pays du Muay ?
La première fois que j’ai voyagé pour la Thaïlande, c’était pour devenir un immense champion et pouvoir boxer contre les meilleurs combattants, j’ai vite réalisé que mon niveau était loin d’être celui que je prétendais, j’ai été de camps en camps pour enfin trouver celui qui me convenait. J’ai beaucoup morflé, surtout dans le travail du corps à corps et dans la manière d’appréhender le Muay Thai. Tout ce que j’avais appris auparavant c’est envolé pour laisser place à une nouvelle manière de boxer. Après plusieurs aller retour aux pays des sourires, j’ai finalement réalisé mon rêve de boxer dans un grand stadium, le LUNG-KEE stadium de Pattaya en 1991. J’ai gagné avant la limite, mais je m’était entraîné comme un fou plusieurs semaines avant le combat.
Dans les années 80, comment étaient perçus les étrangers qui venaient s’entraîner dans les camps en Thaïlande ?
Les étrangers n’étaient pas souvent les bienvenues dans les camps car les thaïs les prenaient pour des gens paresseux et pas assez sérieux. Certains étrangers étaient de redoutables combattants, d’autres venaient juste pour faire des photos avec leurs copines…
T’intéresses-tu à la culture Thai ?
Je ne m’intéresse pas trop à la culture thaï, j’aime bien leur nourriture, leurs façon d’enseigner, mais pour le reste je ne suis pas un grand fan, peut être parce que je suis trop méditerranéen, mais c’est un peuple très ouvert et ça je l’apprécie beaucoup.
Pour toi quelle différence il y avait entre les combattants français de ton époque et ceux d’aujourd’hui ?
Les combattants de l’époque étaient de très durs boxeurs sur le ring parce qu’ils étaient plus limité techniquement que ceux d’aujourd’hui, et puis ils venaient tous de différents style de combats, ils avaient donc un style moins « thaï » mais j’ai vu des combats à l’époque à couper le souffle, je m’en souvient encore aujourd’hui comme si c’était hier.
Au début des années 90 tu décides de monter ton propre club, de combattant tu deviens entraîneur comment c’est passé la transition ?
A partir de 1990, je décide d’enseigner le Muay au club Daumesnil à Paris dans le 12ème arrondissement. Je ne donnais que 2 cours par semaine, le reste du temps je continuais à m’entraîner chez mes amis, chez Omar Benamar avec Lyazid Bélaouès et au Derek Boxing de la Courneuve chez les frères Desjardins. On a grandi ensemble donc c’était plus facile…
La transition s’est faite relativement bien puisque cela s’est fait en douceur et de manière naturelle.
Raconte-nous un peu les débuts de ton club, les premiers jeunes que tu as formés et les premières expériences de galas en tant qu’entraîneur ?
Mes débuts d’entraîneur ont été assez difficiles car je n’avais que 2 cours par semaine et pour former des combattants il faut bien plus que 2 cours. J’ai commencé à avoir un petit groupe d’élèves assez sérieux et puis nous sommes passé à 3 cours par semaine. J’ai eu quelques combattants qui ont commencé à gravir les marches combats après combats, je prenais ce travail très sérieusement avec un investissement personnel important. Je mangeais, dormais, vivait boxe thaï en permanence. Je me suis toujours investi pour mes élèves et mes boxeurs (un peu trop ??)
On m’a souvent reproché d’être trop dur et trop proche de mes boxeurs, mais je ne sais pas faire autrement !
Tu es rapidement devenu une figure dans le milieu des entraîneurs du Muay Thai, quel a été ton secret de fabrication « de champion » ?
Je n’ai pas de secret de fabrication, c’est juste de l’observation, de l’amour et de l’envie qui m’a permis de former quelques boxeurs de renoms. Le reste n’est que du travail journalier sans relâche.
Je pense avoir formé une légende du Muay français…Jean-Charles Skarbowsky, c’est ma plus belle fierté, nous avons vécu des moments magiques et extraordinaire ensemble, dès le début je savais qu’il allait devenir ce qu’il est devenu aujourd’hui. Il reste pour moi l’un des meilleurs combattants toutes catégories confondues de la planète. Je me suis également occuper de Jérôme Lebanner pendant quelques années et ensemble nous sommes aller prendre le titre de champion du monde au ZENITH à Paris. Je me suis aussi occupé de Kamel Chouaref pendant de longues années, il n’a jamais perdu un seul combat avec moi. J’ai formé quelques combattants qui sont devenus champion de France ou d’Europe.
Chez moi cela fonctionne à l’affectif et au sérieux du combattant, sinon c’est impossible. Avec tous ces champions que j’ai formés nous étions comme une vraie famille, il y a de l’amour, des joies, des peines, des coups de gueules que l’on partage ensemble.
Quels sont pour toi les champions Européens, Thaïlandais et Japonais qui sont gravés à jamais dans l’histoire du Muay Thai ?
Les plus grands combattants pour moi sont Samat Payakaroon, Toshio Fujiwara, Ramon Dekkers et Skarbowsky…

Mais il y en a tant d’autres qui m’ont fait vibrer, transpirer, qui m’ont donné la chaire de poule !
Tu as eu la chance de côtoyer deux légendes du Muay Thai, Samart Payakaroon et Toshio Fujiwara, peux tu nous énumérer les moments forts avec ses deux immenses champions ?
J’ai eu la chance de m’entraîner avec des légendes du Muay, André Richard Nam, Bruno Benlabed, Fujiwara, Rob Kaman, Jo Prestia et pleins d’autres, j’ai appris énormément de choses avec eux sur le plan sportif mais ce que je retiens aujourd’hui de ces expériences extraordinaires c’est la simplicité et l’humilité de ces personnes hors du commun. Nous sommes resté très proches et je les remercie de m’avoir aidé à me construire en tant pratiquant de Muay Thai mais surtout en tant qu’homme.
Que ressens tu, au pied du ring, lorsque tu coach l’un de tes boxeurs ?
Lorsque je coach un de mes élèves, qu’il soit débutant ou champion je gardes les mêmes sentiments, j’ai la gorge serré, les mains moites, le coeur qui bat à cent à l’heure, je suis presque transporté dans un autre univers, c’est assez mystique. J’adore cette sensation, elle m’offre la possibilité de vivre des moments rares, intenses et magiques…
Peux tu nous raconter tes meilleurs souvenirs d’entraîneur jusqu’à maintenant ?
Mon plus beau souvenir reste sans aucun doute la victoire de Skarbowsky à Las Vegas lorsqu’il a mis KO le thaï Robert Kaenorasing au premier round. C’était magnifique et indescriptible…
Tu es un passionné de l’Art du Muay Thai à l’état pur car tu t’intéresse aussi au Muay pratiqué au Laos et au Cambodge, peux-tu nous en dire plus à ce sujet ?
J’ai découvert il y a quelques années d’autres styles de combats proche du Muay Thai moderne. Le Muay Lao et le Kun Khmer. Je me suis rendu au Laos et au Cambodge à plusieurs reprises et j’ai vu ces styles très, très proche du Muay Thai. Surtout au Laos ou les combattants sont d’un courage et d’une détermination extraordinaire, ils ne lâchent jamais rien, c’est incroyable !
Tu as réalisé des vidéos et des livres sur la boxe Thai, d’où te viens cette soif, de transmettre cette passion que tu as sur l’Art ancestral qu’est le Muay Thai ?
J’adore enseigner, transmettre, partager ma passion pour le Muay, l’endroit ou je me sens le mieux au monde c’est dans ma salle (après mes enfants bien sur !!!) j’adore voir mes élèves évoluer, progresser, s’améliorer de cours en cours, c’est une véritable joie pour moi d’enseigner, je prends ça de manière heureuse et je sais que je suis un privilégié de pouvoir faire ce que j’aime !
Aimerais tu que la boxe Thai devienne Sport Olympique ?
Je t’avoue que je m’en fou complètement que la boxe thaï devienne une discipline olympique ou pas, amateur ou professionnelle, cela ne m’intéresse pas du tout, j’aime enseigner mon art à qui veut bien, le reste c’est de la politique…

Est-ce que selon toi, un jour, la boxe Thai sera aussi médiatisé que certains sports comme le foot, le cycliste, le tennis ou même la boxe anglaise ?
Pour un sport qui n’a que 30 ans à peine en France, je trouve que l’on voit pas mal de boxe thaï à la télévision alors que d’autres sports n’ont pas la possibilité de s’exprimer devant le petit écran, ne faisons pas la fine bouche et profitons de ce que l’on a…
Quel est ton avis sur le Muay Thai pratiqué aujourd’hui en France, en tant qu’entraîneur actif depuis de nombreuse années as-tu vu une évolution du niveau ?
En France nous sommes passés par tous les sentiments possibles et imaginables, nous étions une belle famille au début puis nous sommes devenus une grande association, puis une fédération, puis 2, puis 3 fédérations. Je ne sais plus ou donner de la tête ! Je t’avoue que je suis fatigué de toutes ces guerres inter-fédérales ou la politique a prit le pas sur reste. Je m’intéresse de moins en moins à la vie fédérale, je prends juste du plaisir à voir évoluer les boxeurs sur un ring, c’est eux qui font le sport et pas l’inverse !
Comment vois-tu l’avenir du Muay Thai en France ?
Je vois un avenir assez positif et optimiste pour la boxe thaïlandaise en France, on a jamais manqué de galas et encore moins de combattants, donc pas de problème, la boxe thaï reste et restera ce qu’elle a toujours été, un sport spectaculaire et passionnant !
Quels sont les projets de la Team Zeitoun pour 2009 ?
Mes projets restent toujours les mêmes depuis des années, enseigner, prendre du plaisir, rester enthousiaste et garder la même passion intacte pour cette discipline qu’est le Muay Thai.
As-tu un coup de cœur, un coup de gueule ?
Mon coup de coeur ? Voir mes enfants venir s’entraîner à la salle comme tous les autres élèves, c’est un grand bonheur pour moi…
Mon coup de gueule ? Que la boxe thaïlandaise en France ne soit pas réservé qu’à une seule catégorie de personne, mais qu’elle soit ouvert à tous et à toutes, sans distinction de sexe, de race ou de religion; ce sport n’appartient à personne mais à tout le monde !
La passion, la grâce et le feu…
Merci beaucoup d’avoir répondu à cette interview et CHOOKDEE au TEAM ZEITOUN
Merci à toi Serge !

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