SIAM FIGHT MAG

Le magazine ultime ou vous trouverez tout sur le Muay Thai.

Interview de STEVE MAC, Cutman dans la prestigieuse organisation One Championship

Temps de lecture : 6 minutes

Interview de STEVE MAC, Cutman dans la prestigieuse organisation One Championship

by Serge TRÉFEU (2023)

(Photos : Reza Goodary & Photo Eminency Co.,Ltd.)

Bonjour Steve, merci de m’accorder cette interview pour Siamfightmag. Tu peux te présenter pour les lecteurs qui ne te connaissent pas ?

Je m’appelle Steve Reneaux, j’ai 33 ans et je vis en Thaïlande depuis 2020.

J’habite à Bangkok où j’y enseigne principalement la boxe anglaise et j’exerce également la fonction de Cutman (Soigneur) pour l’organisation ONE CHAMPIONSHIP. Je suis titulaire d’un BPJEPS et d’un BP Pugilistique

Tu es de quelle région de France et dans quel club as-tu commencé la Boxe anglaise ?

Je suis de la région de la Bretagne, du Morbihan plus précisément, et j’ai commencé la boxe dans le club d’Auray Boxe

Comment as-tu découvert la boxe ?

Dans le quartier où je vivais, j’entendais les plus grands parler de boxe, et à les entendre souvent cela m’a donné envie.

Un jour, je suis allé dans un club pour prendre des renseignements. L’entraîneur (Willy le Couviour) m’a dit « si tu veux, tu prends une paire de gants dans le sac et tu viens avec nous, maintenant que tu es là tu vas bien essayer un cours ». J’ai enfilé les gants et j’ai tout de suite aimé ce sport. Environ deux mois plus tard, lors d’un gala organisé par la ville, j’ai découvert la boxe professionnelle et là, j’ai été complètement fasciné. A partir de ce moment, c’était tout pour la boxe…

Qu’est ce qui t’a attiré vers ce sport ?

Je dirais, le côté ludique, comme de toucher l’adversaire sans se faire toucher. J’ai aussi aimé le fait de chercher à gagner les échanges, se déplacer, créer des feintes et déclencher des coups. Il faut être stratégique tout en fournissant constamment un effort physique. Les séances au sac de frappe me plaisaient beaucoup également, c’était un bon exutoire pour évacuer le stress

Est-ce que tu as fait de la compétition en Boxe Anglaise ?

Oui, j’ai tourné en amateur de mes 14 ans à mes 17 ans, j’ai fait 21 combats. Puis, je me suis blessé et j’ai dû arrêter

En quelle année tu as été pour la première fois en Thaïlande ?

Ma première fois, c’était en 2010, j’avais 20 ans, c’était sur les conseils de mon ami Xavier Bastard (Champion d’Europe et du monde de Muay Thai). Psychologiquement, je commençais à saturer en France, il fallait que j’aille voir ailleurs…

Steve Mac et le champion Xavier Bastard se connaissent depuis de nombreuses années

Est-ce que tu as été t’entraîner dans des camps de boxe en Thaïlande ?

La première fois, non. Mais lors de mon second séjour, en 2011, je me suis entraîné sur Phuket dans le sud. Je suis resté deux semaines dans une structure à faire deux entraînements par jour.

Je voulais juste voir ce que c’était le Muay Thai et apprendre quelques bases de ce sport, rien de plus

As-tu eu l’occasion de combattre au pays du Muay Thai ?

Non, on me l’a proposé plusieurs fois mais j’ai toujours décliné les propositions

Depuis combien de temps tu es installé en Thaïlande ?

Ça va faire trois ans maintenant

Quelles ont été tes premières activités en Thaïlande pour pouvoir gagner de l’argent ?

Tu sais, trouver un employeur ce n’est pas toujours simple en Thaïlande. Suite à plusieurs tentatives qui se sont soldées par des échecs (L’anglais, visa, salaire, etc.). J’ai compris que personne n’allait m’embaucher. Alors, je n’avais pas d’autre solution que de travailler pour moi-même. Je me suis donc lancé dans le coaching privé pour enseigner la boxe anglaise

A quel moment as-tu commencé à être « Cutman » pour des combats de boxe en Thaïlande ?

J’ai commencé au début de l’année 2022, deux cutman français, qui vivent sur Bangkok, avaient besoin d’agrandir leur équipe, ils m’ont recruté

Tu avais déjà fait ce genre de travail en France ?

Non jamais

Est-ce que ce métier de Cutman est reconnu en France ?

Je ne regarde pas trop ce qu’il se passe en France, mais je pense que oui. Certains Cutman commencent à faire des formations et des entraîneurs suivent aussi cette formation. A contrario, même si le métier de Cutman est reconnu, je pense que les gens sous-estiment son importance…

Tu as suivi une formation spéciale pour devenir Cutman ou as-tu appris ce métier sur le tas ?

Ce sont les cutman français qui m’ont transmis leur connaissance et leur savoir faire (Bandage main et cuts). Ils m’ont formé et accompagné pour que je puisse avoir des bases solides. Mais pour le reste, tu fais ton expérience sur le tas à force de faire et refaire…

Tu es devenu Cutman dans la célèbre organisation One Championship, comment s’est passé ton recrutement au sein de cette organisation ?

Je n’ai pas été recruté personnellement par le One. L’équipe et moi, nous avons travaillé toute l’année 2022 pour la promotion « Fairtex Fight ». Aussi, sur le tournoi « Road To One » également organisé par Fairtex.

Un jour, vers la fin de l’année 2022, mes collègues cutman me disent qu’au début de l’année 2023 l’organisation « One Friday Fight » va arriver à Bangkok, et qu’on va bosser avec eux.

Mes collègues travaillaient déjà pour l’organisation One Championship à l’époque d’avant le covid.

Personnellement, j’ai fait mes preuves durant toute l’année 2022, avec plus de 150 combattants passés entre mes mains. Mais l’organisation du One ne me connaissait pas.

Nous avons été convoqués pour être testés. J’ai dû bander les mains d’un officiel du One, un Thaïlandais, je ne l’ai su qu’après mais c’était le champion Petchboonchu FA Group, le boxeur le plus titré de Thaïlande en Muay Thai. Petchboonchu a regardé sous tous les angles le bandage que je lui avais fait. Il est parti faire un round au sac de frappe et un round aux paos. Puis, il est revenu, il a enlevé ses gants, il a regardé son bandage et il a dit « Ok is good ». C’est bon, j’étais validé !

Steve Mac fait partie des officielles cutmen du One Championship, la plus grande organisation d’Asie de sport de combat actuelle

Est-ce que tu es Cutman pour d’autres promotions en Thaïlande ?

Oui, je travail aussi pour la promotion « Fairtex Fight »

Tu peux nous expliquer exactement en quoi consiste le métier de « Cutman » lors d’un match de Muay Thai ?

Premièrement, tu as la partie « backstage » (Dans les vestiaires), c’est là où le cutman va faire les bandages sur les mains du boxeur.

Deuxièmement, tu as la partie « Ringside » (Près du ring), le cutman prend place avec l’équipe du boxeur et il va devoir soigner le boxeur s’il est blessé. Le cutman n’intervient que pendant la minute de repos et il s’occupe uniquement du visage blessé. Le cutman est amené à soigner des coupures, un saignement de nez ou des hématomes

Quelles sont les blessures les plus courantes que tu dois soigner durant un match ?

Ce sont les coupures…

Quelles blessures est la plus difficile à soigner ?

Il n’y a pas vraiment de blessure plus difficile à soigner qu’une autre, chaque blessure est différente.

La complexité c’est de pouvoir soigner deux ou trois coupures en même temps. Parce que tu n’as que deux mains. Quand tu as deux coupures avec en plus un saignement de nez, là, cela devient chaud.

Un autre point difficile, parfois, c’est de travailler avec certains coachs qui ont pour habitude d’asperger d’eau le boxeur et de le manipuler dans tous les sens. Ils lui massent les bras ou la tête, alors que moi, je dois garder un boxeur stable et une tête droite pour travailler correctement. Le coworking (Travail partagé) peut parfois être tendu…

Quels ont été les grands combats où tu as dû intervenir en tant que Cutman ?

Je suis intervenu sur des grands combats comme ceux de « Regian Eersel contre Sinsamut Klinmee », « Anatoly Malykhin contre Arjan Bhullar », « Prajanchai P.K. Saenchai contre Sam-A Kaiyanghadao », mais ce n’était pas les combats les plus excitants.

Je préfère travailler avec des noms moins connus mais tu sais que ces boxeurs vont faire une vraie guerre sur le ring et ils vont te donner du boulot. J’adore travailler avec des combattants comme Sonrak Fairtex, Tyson Harrison, Seksan Or Kwanmuang, Avatar P.K. Saenchai…

Le champion néerlando-surinamien Regian Eersel
Le champion du monde des poids-lourds en MMA du One Championship le russe Anatoly Malykhin
Le champion Sam-A Kaiyanghadao
Bandage des mains du champion australien Tyson Harrison
Le champion Seksan Or Kwanmuang
Le champion Avatar P.K. Saenchai

Quelles sont pour toi les qualités pour être un bon Cutman ?

Il faut être méticuleux, discipliné, bien organisé et avoir le sens des priorités. Il faut pouvoir travailler vite et efficacement

Tu es le seul français qui exerce ce métier au One Championship ?

Non, j’exerce avec trois partenaires qui sont aussi des français. Nous formons une équipe de quatre personnes

La Team française de Cutman du One Championship de Thaïlande, Steve.R, Tony.B, Sylvain.O, Pako. J-M

Ce métier de Cutman, en Thaïlande, est bien rémunéré ?

Cela dépend à quoi tu le compare, tout est relatif…

Est-ce que tu peux être aussi Cutman pour des combats de boxe anglaise ?

Oui, tout à fait. Le bandage des mains sera différent mais pour le reste cela reste identique

As-tu une anecdote particulière à nous raconter qui t’est arrivé lors d’un match ?

Une anecdote particulière, pas vraiment, mais j’aurais des choses à raconter. Avec le nombre de nationalités différentes que tu croises, et le nombre de combattants, par mois, avec qui tu interviens, forcément, tu ne t’ennuie pas (Rire)

Quels sont les grands champions thaïlandais que tu as côtoyés en Thaïlande ?

En tant que cutman, j’ai eu la chance de côtoyer et travailler avec Superlek, Sangmanee, Samingdam, Sittichai, Satanfah, Seksan, Kongthoranee, Avatar.

Aussi, il arrive que je sois amené à côtoyer d’autres champions comme Superbon ou Tawanchai, lorsqu’ils sont « cornerman » (Homme de coin) d’un boxeur de leur camp avec lequel je vais travailler dans la soirée

Le champion Superlek Kiatmuu9
Le champion Sangmanee Sor Tienpo
Le champion Samingdam Chor Atjalaboon
Le champion Sittichai Sitsongpeenong
Le champion Satanfah Rachanon

Est-ce que tu connais des champions français qui combattent en Thaïlande ou en France ?

Aujourd’hui, en actif, je connais Rafi Bohic, Akram Hamidi, Cindy Sylvestre, Ines Pilutti

Tu les as déjà soignés lors d’un match ?

Oui, Rafi, Akram et Ines, c’était durant l’organisation One Friday Fight au stadium du Lumpinee de Bangkok. Cindy, c’était dans les promotions Fairtex Fight

Le champion Rafi Bohic
Le champion Akram Hamidi
La championne Cindy Sylvestre

Tu es également entraîneur dans un camp de boxe, tu peux nous en parler ?

Au début de l’année 2022, j’étais entraîneur de boxe anglaise dans un gym, mais ce n’était pas un camp.

Le propriétaire m’avait ouvert les portes de son gym et m’avait dit qu’après 18h30 son gym était libre. Je pouvais y faire ce que je voulais. Alors, j’ai créé des cours en groupe pour les loisirs et les compétiteurs.

Je donnais des cours tous les soirs. Pour les compétiteurs, il fallait leur trouver des combats, leur faire des préparations spécifiques et leur trouver des sparrings. Parfois, certains week-ends, je les emmenais combattre. C’était beaucoup d’investissement personnel. Je faisais des grosses journées. Mais c’est aussi cela qui m’a permis de rencontrer des gens et de me faire connaître.

A la fin de l’année 2022, le gym a fermé. J’ai donc choisi de me consacrer uniquement aux cours privés. Maintenant, je ne fais que du coaching à domicile

Est-ce que tu es marié avec une Thaïlandaise, tu as des enfants ?

Oui, je suis marié avec une thaïlandaise et nous avons deux enfants

Tu veux ajouter quelque chose ?

Merci Serge pour cette interview.

J’ajouterai que la vie, parfois, peut-être bien faite. J’ai eu un drôle de parcours mais je suis toujours resté honnête et professionnel, patient et persévérant, et c’est sûrement cela qui m’a aidé.

J’ai aussi eu la chance d’être au bon endroit, au bon moment et avec les bonnes personnes, et j’en suis reconnaissant.

Aujourd’hui, je suis très heureux de pouvoir vivre de ma passion qu’est la boxe. J’adore tout autant mon métier de « Cutman ».

En tant que cutman, je travaille avec environ 50 combattants différents par mois, c’est donc une chance énorme pour avoir de l’expérience et faire des rencontres. Avec le temps, je commence à préférer d’être un cutman que d’être un coach…

Pour ceux qui veulent me suivre ou me contacter :

Instagrame : Stevemac56bkk

Facebook : Steve Mac

Le cutman est celui qui soigne les boxeurs durant la minute de repos entre deux rounds. Le métier de cutman consiste à cautériser une plaie, à stopper un saignement ou à soigner un hématome.

La plupart des cutmen apprennent leur art sur le terrain. Mais, notamment aux États-Unis, il existe depuis longtemps des centres de formations pour devenir cutman professionnel.

En France, depuis 2019, il existe une formation de « Cutmen Nationaux », une formation qui est reconnue par la Fédération française de boxe où sont formés les passionnés de la boxe qui vont prendre soin des combattants durant leurs affrontements.

Des cutmen sont devenus très célèbres dans le monde de la boxe, surtout en boxe anglaise, tels que Jacob « Stitch » Duran (Boxe anglaise et MMA), Bob Miller (Boxe Anglaise), Joseph « Irish Joe » Clifford (Boxe anglaise et MMA) ou Dmitry Luchnikov (Boxe Anglaise).