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JO PRESTIA THE WARRIOR (Carrière 1980-1990)

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JO PRESTIA

« THE WARRIOR »

Jo Prestia est né en 1960. Il a grandi dans le village de Porto Empédocle, un petit village italien qui se trouve en Sicile, au bord de la mer.

Le père de Jo Prestia, surnommé Toto Cigaro, était un homme de main de la mafia. Son travail était de récupérer l’argent des rackets. Il était craint et dangereux. C’était un homme violent qui battait sa femme et ses enfants.

Pour éviter la violence de son père, le jeune Jo, alors âgé de 10 ans, ses sœurs et sa mère, ont dû fuir de leur village.

La famille Prestia a débarqué en France, à Valencienne, pratiquement sans un sous, ils ont habité dans une petite maison à Condé-sur-l’Escaut.

A 15 ans, Jo Prestia a commencé à travailler dur sur les chantiers pour nourrir sa famille. Il a travaillé dans le bâtiment, puis, dans une usine comme ouvrier. Il a connu très tôt la rudesse de la vie et cette maturité précoce lui a forgé un caractère d’acier.

Adolescent, il enchaînait baston sur baston. C’était un gros bagarreur de rue. Mais il défendait toujours les faibles. Il était un peu le justicier de l’école. Le Zorro du quartier qui se battait avec des gars plus costauds pour défendre ses copains.

A seize ans, il a débuté le Kick Boxing dans la salle où son cousin s’entraînait au club St Amand. Le club de José Hernandez et Michel Petiaux. Il a vite été catalogué de frappeur car il tapait très fort dans les sacs de frappe. De nature bagarreur, il a gagné sans problème son premier combat. Au bout de six mois de pratique, il a remplacé, au pied levé, un boxeur blessé de son club pour un combat en Belgique.

Jo Prestia a ensuite été initié à la boxe Thai par le grand ami de son entraîneur Master Roger Paschy (Pionnier de la boxe Thaï et créateur du fameux club Yamatsuki).

Sa rage sur le ring ont mené ce franco-italien jusqu’au titre de champion de France de boxe Thaï qu’il a gagné en 1985. Il a gagné ce titre face à un élève de Roger Paschy, le redoutable Mohamed Jami (Champion d’Europe).

Doté d’un mental inouï, Jo Prestia était un encaisseur hors norme. Il possédait la foudre dans ses poings, son anglaise était digne d’un boxeur professionnelle. Jo Prestia s’est d’ailleurs souvent entraîné avec les champions Khalid Rahilou (Champion du monde WBA de boxe anglaise) et Ludovic Proto (Champion d’Europe de boxe anglaise). Il a fait 10 combats professionnels en boxe anglaise.

Ses armes favorites étaient aussi ses puissants low kicks. Il maîtrisait parfaitement également les techniques de front kicks. Le corps à corps n’était pas son point fort. Jo Prestia n’aimait pas se sentir “enfermé”, il a toujours su se défaire des techniques de corps à corps que lui imposaient ses adversaires. Il utilisait avec efficacité son atout principal, les coups de poing.

Son style de boxeur en terme de Muay Thai était un « Muay Mat » (Fort en poing) et un « Muay Bouk » (Combattant qui avance sans reculer).

Jo Prestia est souvent partie en Thaïlande pour s’entraîner et combattre. Son camp d’entraînement était le célèbre Sityodtong à Pattaya. Il a fait une dizaine de combats pour ce camp. Jo Prestia n’a pas combattu dans les grands stadiums de Bangkok mais il a fait des combats durs dans les provinces du pays, il a aussi combattu au Laos.

Une fois, Jo Prestia était au fin fond de la Thaïlande pour faire un combat. Un entraîneur du camp Sityodthong l’avait amené sur le lieu du combat. Jo Prestia était tout seul dans un coin, personne ne s’occupait de lui. Il s’était rapidement préparé son bandage des mains et attendait son tour sur une vieille caisse en bois. Il n’était pas tellement motivé pour monter sur le ring. Lorsqu’il a aperçu le grand champion Krongsak Boranrat et lui a fait un petit signe de la main. Krongsak est aussitôt venu voir ce boxeur farang (Étranger) qui semblait un peu perdu au milieu de la foule thaïlandaise.

Krongsak a été six fois champion du monde de boxe Thai et champion du monde de Kick Boxing. Cet immense champion, surnommé « Le Professeur », invaincu en Europe, vivait en France et connaissait de réputation le champion franco-italien. Krongsak s’est tout de suite occupé de Jo Prestia. Il lui a fait un bon massage à l’huile chauffante et refait correctement son bandage des mains. La préparation et les encouragements de Krongsak ont boosté le moral du français. Jo Prestia a fait un beau combat et battu son adversaire par KO au troisième round. Les deux champions sont ensuite devenus des grands amis.

En 1987, Jo Prestia a gagné la ceinture de champion d’Europe de boxe Thai en – 63 K 500, un titre qu’il a conservé trois fois contre des combattants hollandais et un champion anglais.

En 1987 et en 1988, Jo Prestia a affronté des tueurs de la discipline, les thaïlandais Kitty Sor Thanikul, Lamkhong Sitwaywat et Wattana Soudareth.

Kitty avait affronté les plus grandes stars en Thaïlande comme Samart Payakaroon et Sakad Petchyindee. Face à l’expérimenté Kitty, Jo Prestia a perdu par jet de l’éponge au quatrième round.

Lamkhong a été l’un des premiers combattants du grand promoteur Songchai Ratanasuban, il a effectué plus de 200 combats, et rencontré en Thaïlande beaucoup d’adversaires prestigieux. Lamkong a battu par KO l’un des plus gros puncheur des années 80, Samransak Muangsurin (Champion du Lumpinee). Lamkong et Jo Prestia se sont affrontés deux fois avec deux victoires aux points pour le thaïlandais.

Wattana Soudareth était puissant avec ses poings, il a été champion d’Asie en boxe anglaise. En Thaïlande, il était surnommé « Mat Morana » (Le punch Mortel) et il a été classé N° 1 au stadium du Radja.

Jo Prestia a effectué trois matchs très durs contre Wattana avec une victoire et deux défaites.

Jo Prestia a également rencontré le solide champion Bruno Benlabed. Il avait battu aux points Bruno Benlabed à Valencienne en 1985. Pour le match revanche à Paris, le 14 mai 1988, Bruno Benlabed avait mis sa ceinture de champion d’Europe en jeu. Jo Prestia a perdu le combat aux points.

En décembre 1989, à Paris, à la Halle Carpentier, Jo Prestia a affronté le grand champion du Lumpinee Cherry Sor Wanich. C’était pour un match très spécial, un combat contre deux adversaires dans le même match. Ce combat s’est passé pour la première fois en France. Un match dans lequel les coups de coude n’était pas autorisés.

Cherry a affronté deux grands champions français, Jo Prestia et Joël César. Le thaïlandais a d’abord battu Jo Prestia aux points en trois round. Puis, il a enchaîné les deux derniers rounds avec Joël César qu’il a battu aux points. Le combat était retransmis en direct sur une chaîne TV Thaïlandaise.

Le 23 novembre 1990, à la Hall Carpentier, Jo Prestia a fait un grand combat contre le formidable encaisseur Joël César. Il a remporté aux points ce match très physique.

Après ce combat, Jo Prestia avait décidé d’arrêter sa carrière sans jamais penser à faire un championnat du monde. Pour son dernier combat, on lui a proposé de rencontrer le thaïlandais Sannarong, le frère du champion Somsong Kietoranee (Champion du stadium du Radja en 140 lbs).

Jo Prestia n’était pas favori face à Sannarong, il était même donné perdant à 100 %. Ce jour là, pensant que c’était son dernier combat, il est monté sur le ring en se disant « Soit je gagne, Soit je meurs ». Jo Prestia a fait un grand match et a battu le thaïlandais par KO au quatrième round !

Quelques temps après sa victoire, Jo Prestia a été défié par le terrible Somsong qui voulait venger son frère. L’entraîneur de Jo Prestia a accepté ce match risqué. Mais il a profité de cette opportunité pour imposer le titre de champion du monde en jeu.

Somsong totalisait plus de 200 combats, c’était un véritable destructeur des rings. Le thaïlandais était surnommé “le bûcheron”. Peu de combattants voulaient l’affronter, il terrassait des boxeurs qui avait 10 kilos de plus que lui. De nouveau, Jo Prestia ne partait pas favori contre cette terreur des rings.

Somsong n’a pas pris au sérieux Jo Prestia. Une erreur qui lui a coûté chère. Au quatrième round, Jo Prestia a effectué un magnifique enchaînement crochet gauche et uppercut droit qui a foudroyé le thaïlandais, Somsong est tombé KO comme son frère. Jo Prestia a remporté la ceinture de champion du monde de boxe Thaï en – 66 Kg. Il a été le premier étranger à battre le champion thaïlandais et il est devenu le premier français de l’histoire à remporter le titre de champion du monde de boxe Thaï !

La revanche contre le “bûcheron” a eu lieu en février 1991 à Valencienne. Ce fut un combat qui est classé aujourd’hui dans les annales de la boxe Thaï. Ce match a longtemps été inscrit comme “le combat le plus effroyable de la boxe Thaï” en France. Un combat sanglant au sens propre du terme. Somsong a eu le tibia ouvert au deuxième round. Il n’a pas voulu être arrêté par le médecin. Le thaïlandais a poursuivit courageusement le combat. A chaque coups qu’il envoyait avec sa jambe blessée, il éclaboussait tout le ring avec son sang.

Dans le dernier round, Jo Prestia a été touché durement au tibia. Malgré tout son courage, blessé, il n’a pas pu continuer le combat. Somsong a gagné le match et ravi le titre mondial au français…

En 1992, Jo Prestia a rencontré un autre épouvantail des rings, le hollandais Ramon Dekkers. Le champion hollandais était au sommet de sa forme. Il avait battu par KO le champion français Joël César (2 deux fois) et le taureau Coban Lookchaomaesaitong. Le match a été époustouflant, aucun des deux protagonistes n’a voulu lâcher un bout de terrain du ring. C’était à toi à moi. Ramon Dekkers a remporté le combat aux points.

La revanche entre ces deux seigneurs des rings à eu lieu deux mois plus tard, le 20 juin au Palais des Sports de Levallois lors d’un grand show organisé par le célèbre promoteur Sami Kebchi. La ceinture de champion du monde fut mise en jeu pour ce match épique. Les deux boxeurs ont encore fait un combat mémorable. Durant la fin du cinquième round, le public de la salle entière du Palais des Sports de Levallois Perret est resté debout. Après cette bataille de titans, Jo Prestia a été déclaré vainqueur et de nouveau champion du monde !

Le 3 octobre, au Palais des Sports de Levallois, Jo Prestia a défendu son titre mondiale contre le puncheur Coban Lookchaomaesaitong (Champion du Lumpinee en 130 lbs et en 135 lbs). Coban était aussi redouté que Somsong, le champion thaïlandais était un véritable tueur, il avait vaincu par KO en Thaïlande des grands champions comme Samransak, Chanchaï, Sonarin, Falannoy, Jombeung et en Europe des champions étrangers tels que Ramon Dekkers et Tommy Van Der Berg.

Jo Prestia a fait un superbe combat et s’est incliné de peu face au roc Coban.

En 1993, Jo Prestia a stoppé sa carrière à cause d’une vilaine blessure au dos.

Deux ans après, en 1995, lors d’un voyage en Thaïlande, il est remonté sur le ring et a affronté dans le nord du pays un champion local.

Jo Prestia a de nouveau été coaché par le champion Krongsak, il y avait aussi dans son coin, son ami Hadj Bettahar. Jo Prestia a fait un match incroyable contre le champion Aymah Lukbanmao. Il était dominé techniquement et perdait le match. Mais dans le dernier round, le français a mis KO le thaïlandais avec une fulgurante série aux poings !

Motivé par cette victoire en Thaïlande, Jo Prestia a donc fait un come back sur les rings français.

A 35 ans, le 17 novembre 1995, il a rencontré la jeune star du moment, le magicien des rings, Dany Bill. A cette période, Dany Bill était un véritable phénomène qui avait battu les meilleurs champions de Thaïlande tels que Den Muangsurin, Nokweed Dawee, Panomrunglek Chor Siwat, Saydkhan Kiatpathan.

Pour son retour, Jo Prestia n’avait pas choisi un match facile. De plus, le jour du combat, Dany Bill pesait cinq kilos de plus que lui. Le Guerrier de Valencienne à quand même accepté l’affrontement. Jo Prestia s’est incliné aux points face au superbe technicien Dany Bill.

Jo Prestia a encore fait un combat mémorable face au meilleur champion thaïlandais du moment, Saïmaï Chor Suananant (Champion du Lumpinee en 140 lbs). Saïmaï avait battu tous les grands champions étrangers tels que Ramon Dekkers, Dida Diafat, Morad Sari, Christian Garros. Jo Prestia a perdu aux points face au technicien Saïmaï.

Jo Prestia a toujours accepté des gros défis sur le ring, il a rencontré les meilleurs combattants de sa catégorie comme Somsong (1 victoire, 1 défaite), Dekkers (1 victoire, 1 défaite), Sanarong (Victoire), Samaïsuk (Victoire), Sponsor (Victoire), Uboon (Victoire), Jami (Victoire), Coban (Défaite), Soudareth (1 victoire, 2 défaites), Kitty (Défaite), Lamkong (2 défaites), Benlabed (1 victoire, 1 défaite), Payen (Défaite), Dany Bill (Défaite), César (Victoire), Cherry (Défaite), Eguskiza (Victoire), Saïmaï (Défaite). Son palmarès est de 85 combats pour 70 victoires (30 KO) et 15 défaites.

Ses matchs face à Ramon Dekkers et Somsong Kietoranee font désormais partie des combats d’anthologies !

Jo Prestia est un homme hyper actif. Après sa carrière de boxeur, il est passé du ring aux planches de la scène.

Il a pris des cours de théâtre chez Jacques Waltzer qui enseignait selon les méthodes de l’Actor Studio.

Jo Prestia a d’abord tourné dans quelques films avec des rôles mineurs. Puis, en 1997, il a fait un casting pour le film d’Eric Zonca “La vie rêvée des anges”. Il a décroché un rôle important qui l’a ensuite propulsé sur la scène du cinéma français.

L’année d’après, il a enchaîné “le Petit Voleur” toujours avec Eric Zonca en tant qu’acteur et conseiller technique pour le Muay thaï, un sport omniprésent dans le film. L’acteur principal du film était le jeune Nicolas Duvauchelle qui faisait ses débuts au cinéma. Nicolas Duvauchelle était un pratiquant assidu de la boxe Thaï, il s’entraînait chez Master André Zeitoun. Plus tard, Nicolas Duvauchelle est devenu l’un des acteurs les plus coté du cinéma français.

Avec sa “gueule” de dur à cuir, Jo Prestia a souvent tourné des personnages de “méchant”, des gangsters, des voleurs, des dealers et même un violeur, il incarne ces rôles à la perfection.

L’un de ses rôles les plus violents, il l’a joué dans le film “ Irréversible” de Gaspard Noé avec Vincent Cassel, Albert Dupontel, Monica Belluci. Un film qui est sortie en 2001 et qui a fait un petit scandale à Canne lors de sa diffusion.

Jo Prestia, surnommé le “Ténia” dans le film, incarnait le violeur de la belle Monica Belluci. Pour ce rôle du summum des enfoirés, il s’est fait insulter dans la rue notamment au festival de Cannes. Mais pour Jo Prestia cela ne l’a pas dérangé cette haine d’ignorant envers un acteur. Pour lui, cela signifiait qu’il avait été très convaincant dans son rôle. Les magazines spécialisés lui ont même approprié l’image de “l’acteur le plus méchant du cinéma français” !

En 2002, il a réalisé l’un de ses meilleurs rôles dans le film « Fureur » de Karim Dridi au côté de Samuel Le Bihan. Un Film où toute l’intrigue se passe autour de la boxe Thaï. Plusieurs anciens champions ont tourné dans ce film comme Stéphane Nikiéma, le speaker The Voice Daniel Allouche, Sam Berrandou, Kitty Sor Thanikul, Kronsak Boranrat et la star Samart Payakaroon. Jo Prestia avait aussi supervisé toutes les scènes de combats du film.

Jo Prestia a maintenant tourné dans une quarantaine de films. Le dernier film dans lequel il a tourné est sortie en 2021. Jo Prestia est l’un des acteurs principaux du film « Une revanche à prendre » de Kader Ayd. Un film où il joue aux côtés de deux monstres sacrés que sont Charles Aznavour et Richard Bohringer.

En 2013, Jo Prestia a créé le show Warriors Night. La 10ème éditions de cet événement de pur Muay Thai a encore eu un grand succès en 2019 auprès du public parisien.

Sa femme Teresa Sciortino est aussi la créatrice d’un grand show de Muay Thai, le Queen Gloves. Teresa et Jo Prestia ont eu deux filles Carolina et Justina. Carolina a remporté en boxe Thaï le titre de championne de France Espoir en 2013. Elle a aussi déjà combattu en Thaïlande.

En 2014, Jo Prestia a fondé la fédération de Muay Thai AFMT dont il est toujours le président aujourd’hui.

Son livre autobiographique « Jamais à Terre », sortie en 2018, retrace sa vie rocambolesque.

Jo Prestia fait partie des plus grands guerriers de la boxe Thaï que la France ait connu. On peut dire que Jo Prestia a eu l’une des plus belles reconversions qu’un sportif de haut niveau puisse avoir. Et cela, il le doit à sa rage de vivre, la même qu’il avait sur les rings de boxe !

By SERGE TRÉFEU