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LE CAMP SITJAABOON

Temps de lecture : 3 minutes

LE CAMP SITJAABOON

Special report by Serge TREFEU (2011)

 

Ce camp se trouve dans le village de Tha Paya qui est à 25 Km de la ville de Trang, capitale de la province de Trang dans le sud de la Thaïlande. Situé au bord de la route, en pleine campagne, entouré de plantations d’hévéas, ce camp est vraiment authentique. Il y a 50 ans je pense que les camps en Thaïlande devaient ressembler au Sitjaaboon.

La structure du camp est vraiment modeste, il y a un vieux ring abrité par un toit dont les tôles sont à moitié rouillées, cinq sacs de frappes usés, des pneus de camions entassés dans un coin et du matériel de musculation d’un autre âge. Près du ring, des coqs de combats sont enfermés sous des cloches en bambous et des poules en libertés viennent les narguées en caquetant.

Mais ce qui frappe le plus dans ce camp ce sont les conditions dans lesquels vivent les boxeurs. Les chambres du camp sont de minuscules cabanes en bois où les boxeurs s’entassent à plusieurs dedans. L’intérieur des cabanes est sommaire, il n’y a pas de ventilateur, pas de moustiquaire, ni même d’électricité. Les boxeurs dorment sur des nattes et les toilettes sont à l’extérieur. Quand à la douche elle se fait dehors derrière les cabanes à l’aide d’un seau en plastique rempli d’eau froide…

Cela fait maintenant 15 ans que le Sitjaaboon existe. Ce camp a plusieurs noms, le Sitjaaboon, le Sakniranrat, le Chor Naa Phattalung et le Wor Suntharanon, les boxeurs combattent sous ces différents noms. Sitjaaboon est le nom de la femme du patron, Sakniranrat le nom du propriétaire, Chor Naa Phattalung le nom d’une région et Wor Suntharanon le nom d’un ami proche de la famille qui tient un petit camp pas loin du Sitjaaboon.

Ce camp typique a été créé par Mr Thawee Niranrat plus connu sous le nom de Susak. Susak est un passionné de boxe depuis toujours. Mais après avoir fait quelques combats, il a préféré ouvrir un camp plutôt que de faire carrière dans la boxe. Car il est de loin meilleurs entraineur et manager que combattant.

En effet, Susak malgré son faible passé de combattant a formé de grands boxeurs. En témoigne les nombreux champions issus de la région qui ont représenté le camp avec succès. Le plus ancien est Hansuk Wor Suntharanon qui a été champion du Lumpinee en 115 lbs, champion TV7 en 115 lbs et en 118 lbs.

Ensuite il y a eu Sangyut Wor Suntharanon qui a remporté le Tournoi Toyota Marathon en 108 lbs, Awutlek Sitjaaboon champion TV9 en 108 lbs et Panpetch Chor Naa Phattalung qui a gagné la ceinture de Thaïlande en 130 lbs l’année dernière. Mais la star du camp est sans conteste le redoutable Detnarong Sitjaaboon avec sept ceintures à son palmarès. Detnarong a été trois fois Champion du Sud, Champion du Radja en 115 lbs, Champion de Thaïlande en 118 lbs et Champion du Lumpinee en 115 lbs et 122 lbs !

Le camp produit toujours de bons combattants. Actuellement il y a 25 boxeurs en permanence et bien que le camp soit à 830 Km de Bangkok, une quinzaine de boxeurs combattent souvent dans les stadium de la capitale. Les boxeurs du Sitjaaboon peuvent combattre sans problème au Lumpinee, au Radja et à la TV7. Parce que Susak est en relation avec les deux plus gros promoteurs du pays, Songchai pour le Radja et Chun Kietpetch pour le Lumpinee et la TV7.

On pourrait classer ce camp comme un camp de combattant « fimeuu » car il y a beaucoup de techniciens mais cela ne serait pas exact. En effet les trois entraineurs avec l’aide de Susak arrivent toujours à trouver le style le plus adéquat pour chaque combattant. Si le boxeur est fort en poing, ils le feront travailler beaucoup en anglaise. D’ailleurs trois fois par semaine c’est entrainement spécial en boxe anglaise pour tous les combattants. Les nakmuay fort en corps à corps et en genoux pourront s’exprimer pleinement dans ce style. Hansuk était un « toymat » (fort en poing), Detnarong un « Muay Khao» (fort en genoux) et Awutlek  un « Fimeuu » (technicien) !

Tous les matins, à 6 H 30, les nakmuays font un footing de 13 Km, et l’entrainement se termine à 8h30. Vers 11 H tous les boxeurs mangent dans le réfectoire adjacent au ring. C’est aussi le seul endroit où ils peuvent regarder l’unique télévision du camp, une vieille télévision qui a du mal à capter toutes les chaines. Après leur repas, ils vont faire une sieste bien méritée avant d’attaquer l’entrainement de l’après midi.

A 15h30 les boxeurs effectuent leurs deuxièmes footings de la journée, un footing de 6 Km. Tout de suite après ils font de la corde à sauter et des sauts sur les pneus ce qui leurs permet de muscler leurs mollets tout en maintenant leurs cardio. Les choses sérieuses commencent avec les rounds de paos. Les compétiteurs vont enchaîner six rounds de cinq minutes puis sans temps morts une heure de corps à corps.  L’entrainement se termine par de la musculation, séries d’abdominaux, pompes et tractions, jusqu’à 20 H. Après cet entraînement de spartiate, les boxeurs ont encore la force de faire une partie de foot sur le petit terrain en terre du camp. L’ambiance ici est familiale, tout le monde se connait dans le village, les enfants des maisons voisines viennent souvent assister aux entraînements.

Très peu de personnes sont capables d’endurer de tel condition de vie, un entrainement très dur avec un environnement aussi rude. Encore moins un « farang » (étranger) mais il y a eu quelques étrangers téméraires qui sont venus s’entrainer au Sitjaaboon. Un Japonais, un Australien et un Français ont fait quelques séances d’entrainements mais ils ne sont pas restés longtemps dans le camp. Le boss du camp est ouvert aux étrangers, « C’est gratuit pour les farangs, s’ils combattent pour le camp, ils peuvent dormir ici avec les boxeurs» dixit Susak en montrant les « huttes » où dorment les combattants…

Ici ont tolère tout le monde, toutes les religions et c’est la particularité du camp Sitjaaboon. Le camp compte 25 boxeurs, 15 sont bouddhistes et 10 sont musulmans. Le patron du camp, Susak, est bouddhiste et sa femme est musulmane. Il va aussi bien prier au Temple qu’à la Mosquée, « J’aime les deux religions, nous sommes tous frères » me dit-il en souriant. Il y a une grande tolérance des religions dans cette région, le Sitjaaboon en est la preuve…